Comme tout bon gars émergeant doucement le matin, j'allume mon ordi, je branche la bouilloire, je me fais mon café et je me connecte sur le site de libé pour voir si le monde ne s'est pas pété la gueule pendant la nuit. Ce n'est pas le cas, je prends donc deux sucres.
Bien sûr je me contente de lire les titres et les petits résumés en en-tête. À la rigueur, le seul article sur lequel je vais cliquer, c'est celui qui racontera le fait-divers le plus dégueu. "C'EST BIEN LE TRONC D'ERIC ZEMMOUR QUI A ÉTÉ RETROUVÉ DANS LE MARAIS DU...." ah nan merde, raté.
Ce matin, ça n'y a pas coupé, j'ai cliqué sur cette info qui me paraissait bien sale. 100% voyeuriste.
"expédition punitive", "violence inouïe" "quasiment traitée comme un animal, pendant une heure et demie"… Je sirote mon café avec délectation.
L'information est moins trash que prévue, mais le suspens est rondement mené, le glauque savamment dosé, on y croit jusqu'au bout, quand soudain, BIM, on a le droit pour toute conclusion à LA tarte à la crème des propagandistes sexistes.
C'est dit comme ça, en loucedé, l'air de rien: "On voit monter une violence de plus en plus grave de la part de femmes et de jeunes filles, cela n'existait pas il y a dix ans", a affirmé le magistrat".
Qu'un petit Zemmour cornu ait fait irruption sur l'épaule du tribun à ce moment-là en arguant "C'est la vérité!! C'est un fait! Je ne fais que décrire la réalité!" ne nous aurait même pas étonné.
Au sein de cet article descriptif relatant un fait-divers - deux filles en torturent une troisième pour une histoire de mecs - cette citation du magistrat n’est pas innocente. On a deux informations au sein d’un même billet : la première, émotionnelle - deux timbrées ont mis une fille à l’amende – vient crypter la seconde, idéologique - il y a une montée de la violence chez les jeunes filles. Une technique bien connue de TF1 et de tant d’autres médias. Le problème ici n'est pas de nier la montée de la violence chez les femmes. Le problème, c'est le contexte dans lequel cette information est relayée, et ce qu'elle nous raconte. De quelle violence parle-t-on? Branchez un phénomène sociale observable sur un fait-divers émotionnel et vous obtenez une fable à fabriquer du réel sexiste.
Derrière les "Rien ne va plus!!", "Mais que fait Sarkozy!!", "Le monde part en couille!!", il faut donc lire:
- La montée de la violence chez les femmes est un déréglement, une déviance grave au sein des rôles binaires genrés. La montée de la violence chez les femmes (ou pire: chez les jeunes filles) est le symptôme d'un marasme sociale et économique, et un déraillement grave de l'ordre des sexes qui doit susciter l'inquiétude voire une intervention de la part de l'état.
- Dans ce contexte, la Femme - douce, passive et pacifiste par nature - devient l'unité de mesure de la chienlit ambiante. La Femme est telle une grenouille sur son échelle, elle est un baromètre, un chien qui va sentir le tsunami. En résumé, si MÊME les femmes se mettent à perpétrer des atrocités - un hobby qui était jusqu'à présent le monopole des Hommes - alors où va le monde?? Ma bonne dame??
Il y a la montée de la violence, et il y a la montée de la violence des femmes, dérèglement ultime, signe avant-coureur de l’Apocalypse…. ou bien de la présence du FN au second tour des présidentielles ?
Pour enrayer ces mutations dangereuses des sexes (on m’a même rapporté que certains hommes s’exfoliaient la peau du visage!!), je propose qu’on attaque le mal par la racine, c’est à dire KING JOUET ! Histoire de bien rappeler aux petites filles qu’elles sont des PRINCESSES et des MAMANS et aux garçons des SOLDATS et des PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE. Enjoy ce petit shéma bien drôle sur les stéréotypes genrés dans la publicité pour jouets.
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